Grève du Philhar le 3 octobre, communiqué des musiciens et de M. Franck, et quelques observations


Ci-dessous, est relayé le communiqué des musiciens du Philhar' faisant au dépôt d'un préavis de grève le vendredi 3 octobre. 
Avant cela, quelques mots sur ce sujet qui agite la rentrée musicale parisienne et peut sembler, de loin, être un énième avatar des scrogneugneu-conflits entre piètres et éphémères dirigeants de la maison ronde et musiciens-fonctionnaires ronchons et paresseux. C'est tout le contraire, mis à part sans doute pour les premiers adjectifs.
Si le concert du mercredi 1er octobre à Laon est maintenu (l'orchestre y sera placé sous la direction de Tito Ceccherini),
Mikko Franck a annulé sa participation à celui-ci et à la soirée du 3 octobre à Pleyel, dans le cadre du Festival d'Automne de Paris et qui devait être retransmis sur Arte Live Web. A l'inverse de certaines rumeurs en circulation, le préavis de grève déposé par les syndicats de l'orchestre n'est pas une réaction à une forme de démission anticipée de la part du successeur de Myun Whun Chung, lequel a déjà signé son contrat prenant effet en 2015. 

La nouvelle direction de Radio-France et le nouveau directeur de la musique - Jean-Pierre-Rousseau - sévèrement mis en cause par les musiciens suite au départ du directeur artistique du Philhar Eric Montalbetti, ne semblent pas avoir l'intention de remettre en cause ce contrat. En revanche, les musiciens se sont bien mobilisés afin d'obtenir des clarifications sur le projet de la nouvelle direction : Eric Montalbetti sera-t-il remplacé poste pour poste, première garantie d'un maintien du statut et de l'ambition autonomes de l'orchestre ? Et alors, par qui ?
La structure technique et administrative sera-t-elle mutualisée  avec les autres formations en vue d'économies souhaitées par la direction ? 
Quid de la tolérance de Radio-France à l'égard de la politique d'excellence - notamment dans le recrutement de chefs invités - jusqu'ici imposée par Montalbetti au mépris de la traditionnelle (et obsolète) hiérarchie entre National et Philhar', hiérarchie inversée, y compris dans le "grand répertoire", pour bien des mélomanes et musiciens parisiens et d'ailleurs ?
Quid au fond de la simple reconnaissance d'une excellence de fait de cette formation, que l'on a souvent vantée sur ces pages, tant sur le volet strictement musical que sur celui de la politique d'invitation de Montalbetti, dont la nomination de Mikko Franck à la succession de Chung représente l'aboutissement que j'appelais de mes vœux ? 

A propos, voici ce qu'a déclaré il y a quelques heures ce dernier à Norman Lebrecht (je traduis) : "Je devais répéter avec l'orchestre ce lundi et diriger deux concerts cette semaine. Cependant, j'ai informé Radio-France il y a dix jours que je ne signerai pas les contrats relatifs à ces deux concerts. Je m'en suis expliqué dans une lettre qu'ils ont choisi de ne pas rendre publique. Dans les grandes lignes, ce qui s'est passé depuis sept mois (soit l'arrivée de Jean-Pierre Rousseau comme Directeur de musique de Radio-France) est qu'a été annoncé un projet de réorganisation de la musique à RF. Tous, l'actuel directeur musical Myun Whun Chung, son homologue du National Daniele Gatti et moi-même, en étions insatisfaits. Il est impossible d'envisager comment deux grands orchestres symphoniques peuvent être gérés par une même direction.
Ce projet nous a est parvenu sans consultation, à la veille des vacances d'été. A notre retour, notre cher collègue Eric Montalbetti décidait de démissionner. Je me retrouvais sans partenaire de travail quant à la planification artistique des prochaines saisons. Mon contrat en qualité de directeur musical commence l'année prochaine. Jusque là, je suis engagé concert par concert. La raison pour laquelle je ne dirige pas cette semaine est que, à mon sens, la réorganisation prévue des orchestres est incompatible avec les termes convenus dans mon contrat de directeur. Je ne signerai plus d'engagements de concerts tant que cette situation perdurera. 
Comme vous en avez informé vos lecteurs, j'ai eu une très longue et positive conversation avec le Président de Radio-France, Mathieu Gallet. Il a été très encourageant, j'ai de bons rapports avec lui. J'espère que nous pouvons faire en sorte que les choses fonctionnent de nouvaeu. Les musiciens et moi sommes sur la même longueur d'onde. Je ne demande qu'à être de retour pour faire de la bonne musique avec eux. J'adorerais être à Paris cette semaine."


Le retrait de ce dernier de ces deux concerts n'est pas lié à une démarche personnelle sur laquelle auraient surenchéri les syndicats : c'est bien le futur directeur qui a souhaité manifester son soutien au mouvement d'inquiétude des musiciens, face au flou artistique proposé par sa direction. Un chef, un peu comme un ministre, ne se met pas en grève, mais ferme sa gueule ou démissionne, comme à l'Opéra de Vienne tout récemment. 
La situation actuelle ressemble furieusement, cependant, à une exception à peine déguisée à la règle. Quant au temps où étaient brocardés les mouvements d'humeur de telle formation publique fort marrie de devoir fournir des efforts en répétition, il n'est pas de rigueur : c'est le fruit de vingt ans de travail discret mais exemplaire que défendent les - probables, sauf retour miraculeux à la raison de J.-P. Rousseau - grévistes du 3 octobre. Et c'est surtout l'ambition que les vingt prochaines soient au moins aussi brillantes, au mépris d'un contexte où les orchestres de radio, en Europe, boivent la soupe à la grimace, voire parfois la tasse. 

La maison ronde, éternel vestige gaullo-soviétique, mais oui et, ici au moins, pour le meilleur !  Il est dommage que ne puisse pas s'inviter dans la négociation s'ouvrant aujourd'hui un Sviatoslav Richter qui rappellerait à bon escient que "En URSS, musiciens tous fonctionnaires, mais musiciens jouer bien". 
Il resteraient bien cois, ceux qui ne se sont fait remarquer jusqu'ici que par leur talent à semer la confusion et par leurs diverses déclarations populistes sur la musique savante - ainsi, Jean-Pierre Rousseau au sujet du concert d’inauguration du nouvel auditorium du Radio-France, le 14 novembre : "Ce que je peux dire c'est que le président de Radio France, Mathieu Gallet, s'est personnellement investi dans la programmation de ce week-end, et que l'idée est d'en faire une grande fête populaire classique, et pas que classique", ou Gallet lui-même et sa volonté de faire "moins de musicologie" sur France Musique (défense de rire) Si c'est une lutte contre un nouvel et piteux épisode de l'anti-élitisme sophistiqué des incultes, de cette haine de la valeur et du jugement qui l'accompagne, qui caractérise tant les nouvelles élites françaises, c'est une lutte juste. Le cas échéant, elle devra aussi être celle du public, si celui-ci veut continuer à aller simplement écouter des concerts de qualité, et non se voir proposer une soupe culturelle démagogiques servie, bien sûr, sous couvert des catéchismes de modernité, synergie, diversité, ouverture et fête à Neu-Neu.


Théo Bélaud

COMMUNIQUÉ

Les musiciens de l'Orchestre Philharmonique de Radio France sont inquiets.
Depuis quelques années, l'orchestre s'est hissé à un niveau mondialement reconnu.
Celles-ci ont été marquées par de nombreuses tournées internationales sur tous les continents, saluées 
unanimement par la critique: Europe, Russie, Asie (Chine, Corée, Japon), États Unis, Amérique 
Latine, Moyen Orient.
Les plus grands chefs d'orchestre ont choisi de diriger cet orchestre parisien, jeune, enthousiaste et 
talentueux.
Ainsi se suivent à leur tête, Pierre Boulez, Gustavo Dudamel, Valéry Gergiev, Alan Gilbert, Daniel 
Harding, Ton Koopman, Vasily Petrenko, Esa-Pekka Salonen, Jukka-Pekka Saraste ... Avec lesquels 
des liens privilégiés se sont créés.
Tous enrichissent le travail des charismatiques et exigeants Directeurs Musicaux de cette formation: 
ainsi Myung-Whun Chung a-t-il succédé à Marek Janowski, prolongeant et développant toujours plus 
de projets avec une équipe soudée, permettant à l'Orchestre Philharmonique d'atteindre cette 
dimension internationale.
Mikko Franck, l'un des meilleurs chefs de sa génération, très sollicité, a accepté de prendre la relève.
L'Orchestre Philharmonique de Radio France remplit les salles, et pleinement sa mission.
Seul orchestre à géométrie variable, il propose des programmes originaux et variés (entre 55 et 60 par 
année), abordant tous les répertoires avec audace et professionnalisme.
L'Orchestre Philharmonique de Radio France multiplie également les activités pédagogiques (voir leur 
site ZikPhil.fr). Avec la complicité de Jean François Zygel, Les Clefs de l'Orchestre permettent à un 
public scolaire et familial d'accéder au répertoire symphonique.
Les musiciens, les techniciens, l'administration, toute personne ayant collaboré avec cet orchestre parle 
de "l'esprit du Philhar", dynamique, motivé, créatif... rare.
Tout va pour le mieux à l'aube de leur collaboration avec Mikko Franck dans le nouvel Auditorium de 
Radio France.
Pourtant cette rentrée est mouvementée.
L'équipe qui entoure les musiciens se voit amputée brutalement par la démission de leur excellent 
directeur artistique, Éric Montalbetti, présent et très actif depuis dix huit ans. Celui-ci, "n'ayant plus sa 
place dans la nouvelle organisation de la direction de la musique", s'est vu contraint d'accepter la 
rupture de son contrat.
Quels sont les projets de la nouvelle direction? Pourquoi couper les ailes d'un orchestre très en forme, 
réunissant les conditions optimales pour aborder les saisons à venir sereinement?
Tout le travail accompli depuis des années, le recrutement de musiciens talentueux, l'équipe 
compétente et passionnée, sans laquelle l'aventure de cette belle ascension serait impossible, seront-ils 
remis en question?
Les réponses apportées par les différents membres de la Direction aux interrogations des musiciens 
sont inquiétantes car contradictoires, laissant apparaître un embarras certain.
Mikko Franck ne dirigera pas le concert à Pleyel vendredi 3 Octobre prochain.
Les musiciens ont décidé de déposer un préavis de grève pour cette même date en espérant que la 
Direction mettra fin à leurs inquiétudes et montrera clairement sa volonté de maintenir l'excellence de 
l'Orchestre Philharmonique de Radio France.


La Représentation Permanente de l’Orchestre Philharmonique de Radio France





Ci-contre, l'annonce publique par Eric Montalbetti de la fin de ses fonctions de directeur artistique du Philhar.