Suite et fin du cycle Mozart--Bruckner Daniel Barenboim/SK Berlin

Philharmonie de Paris, Salle Pierre Boulez, le 8 septembre 2017
Bruckner, Symphonie n°8 en ut mineur, ed. Haas

Philharmonie de Paris, Salle Pierre Boulez, le 9 septembre 2017
Mozart, Concerto pour piano n°23 en la majeur, KV.488
Bruckner, Symphonie n°9 enmineur
Staatskapelle Berlin
Daniel Barenboim, piano et direction
Ainsi s’achève ce cycle Mozart-Bruckner commencé, pour sa livrée parisienne, il y a exactement un an. Barenboim et ses Berlinois ont aligné en septembre 2016 les quatre symphonies médianes, puis les trois premières en janvier dernier, gardant sous le coude les deux dernières pour un bouquet final en manière d’apothéose. D’apothéose, il n’y a sans doute pas eu – une impression très largement partagée semble-t-il par l’auditoire coutumier du répertoire comme des interprètes. Peut-être tout simplement parce que ce long chemin, arpenté, rabâché par l’orchestre et son chef sur toutes les scènes de ses tournées depuis deux ans, n’y menait pas, ou plus. On reviendra donc plus généralement ici sur les enjeux d’un projet musical, et surtout de la relation d’un grand interprète à un grand compositeur, qui n’ont jamais pleinement convaincu, malgré une conviction et une exigence aussi évidentes qu’élevées, et certains instants de grâce. Faisant hélas oublier ce qui avait toujours été évident : que le prix de ce cycle était dans Mozart.

Dans son répertoire qui tend vers l’infini, les manières de faire, le geste et la conception de Barenboim sont de ceux qui varient peu, même après soixante ans de carrière de pianiste et cinquante de chef. Son Mozart illustre ce propos, mais surtout en ce qui concerne le pianiste. Le chef, depuis ses premiers pas avec l’ECO il y a un demi-siècle, a considérablement affiné sa vision de l’orchestre mozartien, sans rien céder à l’idée essentielle d’une générosité sonore refusant tout historicisme, mais développant toujours plus avant une chaleur de son comme de propos. Ce KV488 n’atteint sans doute pas la perfection symbiotique offerte par les mêmes au Châtelet en 2007, la faute à un Barenboim parfois imprécis, parfois fatigué, principalement dans un rondo à l’emporte-pièce. De manière générale, cette interprétation n’a pas l’évidence d’autres prestations parisiennes du vieux couple Barenboim-SkB, dans Mozart ou dans Beethoven. Au sein de ce cycle, je garderai un meilleure souvenir d’un Couronnement d’une classe infinie, couplé avec la 6e de Bruckner. Il n’empêche, le métier compense beaucoup – la science du son dans la récapitulation variée de la sicilienne, les échanges de gourmandises entre la main gauche et la clarinette dans la section majeure de celle-ci… – et le travail d’orfèvre des Berlinois fait parfois tout oublier. Bien sûr, les bois ont leurs décalages, liés essentiellement aux approximations d’une direction parfois distraite. Mais on entend surtout le travail de fond mené depuis un quart de siècle sur le grain sonore, la précision du phrasé, l’intensité d’écoute qui veille aussi à maintenir toute l’expression dans un cadre interdisant la trivialité. Cet orchestre joue Mozart comme en musique de chambre, mais pas au sens de l’extériorité de l’expression et de son individualisation : au sens de la compacité d’un grand quatuor. Il reste certes quelques interprètes de valeur pratiquant ce répertoire mais en général avec des accompagnements (qui ne sont rien de plus) parfaitement aseptisés, dans le meileur de cas. Rien qu’en relation à cet état de choses, chaque occasion comme celle-ci demeure précieuse.
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