Récital Schumann-Chopin de Maurizio Pollini à la Philharmonie de Paris

Schumann, Arabeske, op. 18 ; Kreisleriana, op. 16
Chopin, Deux Nocturnes, op. 55 ; Sonate n°3 en si mineur, op. 58
Maurizio Pollini, piano

On ne peut sans risquer de perdre toute crédibilité affirmer que chaque récital de Pollini est plus fort, plus grand, plus profond, plus émouvant, plus impressionnant que le précédent. D’ailleurs ce n’est pas vrai. Il y a eu au moins deux, sinon trois ou quatre des récitals parisiens récents de la légende vivante qui ont apporté un peu de crédit à l’idée d’un début de déclin – pianistique, s’entend. Mais coup sur coup, le programme Chopin-Debussy d’avril dernier et celui-ci infligent le plus cinglant des démentis. Le piano de Pollini est plus resplendissant que jamais. Sa science du piano plus aigüe encore, son don de soi dans l’expression tend toujours plus à l’absolu.


Les doigts sont-ils encore là ? demandent, tantôt ingénus, tantôt perfides, mais rarement avec humour ceux qui portent un regard qui sceptique, qui condescendant sur le Pollini du siècle nouveau. Car, on ne se lassera jamais de le dire, Pollini a changé, progressivement mais dans une direction claire, de refonte de son rapport physique à l’instrument, sans rien, par ailleurs, sacrifier de sa radicale éthique d’interprétation : le but reste le même, l’immédiateté maximale d’expression, l’élimination de tous les parasites du discours, de toutes les médiations superflues entre le texte et l’auditoire, de toutes les préméditations, précautions, concaténations, volontarismes. Mais avec d’autres moyens, ceux du chant à même la production du son, le phrasé, le sens musical allant droit à l’essentiel, se jouant dès l’impulsion du buste, dès la transmission du poids, les doigts s’étant faits réceptacles. Oui, les doigts de Pollini sont là, plus que jamais, ils pétrissent une pâte plus que jamais orchestrale, pas tant par la dynamique que la préparation de Fabbrini maintient dans une échelle restreinte, mais par le relief et la richesse de vibration de la note, la manière si particulière, née de la rencontre d’un pianiste spécial et d’un instrument spécial, qu’ont en particulier les tierces mediums et hautes de sonner, avec un brillant qui n’a rien de clinquant, mais toujours comme cuivrée. Les doigts sont là aussi au sens attendu, dont il faut bien rendre compte. Disons-le, même après la démonstration du printemps dernier, on n’attendait pas Kreisleriana à ce niveau d’achèvement pianistique, presque immaculé en plus de réinventer continûment la façon de faire écouter l'instrument.
Auparavant, c’est une Arabeske des plus personnelles qu’a proposées Pollini.
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