Double concert d'H. Blomstedt avec le Gewandhaus de Leipzig (Philharmonie, 23-24/10/17)

Gewandhausorchester Leipzig
Herbert Blomstedt, direction
(a)Lundi 23 octobre 2017
Brahms, Ein Deutsches Requiem, op. 45
Michael Nagy, baryton, Hannah Morrisson, soprano
Wiener Singverein
(b)Mardi 24 octobre 2017
Beethoven, Triple Concerto pour violon, violoncelle et piano en ut majeur, op. 56 ; Schubert, Symphonie n°9 en ut majeur, D.944
Kirill Gerstein, piano ; Leonidas Kavakos, violon ; Gauthier Capuçon, violoncelle


Pour son cru 2017, la venue parisienne du Gewandhaus a soufflé chaud et froid. D’un côté la satisfaction de retrouver un orchestre racé, singulier dans son caractère et son état d’esprit, et une leçon d’économie de direction de Blomstedt. De l’autre des partenaires diversement appréciables laissant aux soirées un goût mêlé. La somme des moments musicaux beaux et intelligents excède largement celle des autres, et l’on en ressort avec une relation affermie à deux monuments du répertoire.



Triste moment qu’une de ces trop rares exécutions du Triple Concerto. L’oeuvre a mauvaise presse, pour des bonnes et des mauvaises raisons qu’il serait trop long de discuter. Ce qui est assez évident est qu’elle est bien souvent jugée à l’aune de ce qu’elle ne peut offrir : le niveau d’intégration discursif d’un grand concerto “normal” de Beethoven. Ce concerto est vraiment un triple concerto, et non un concerto pour trio. La concentration thématique presque rébarbative n’y est imposée que pour compenser le caractère épars des relations entre les solistes et l’orchestre, et le côté incongru des séquences d’écriture identiques à celle d’un trio ordinaire. Il est vrai que la partition est donc bâtarde, et il n’est pas faux que ce qui y est le plus problématique est l’orchestre : le plus souvent, une exécution par de bons solistes conduit à penser que l’oeuvre aurait pu être un beau trio eu égard à la qualité, réelle, de son matériau. Mais ce trio n’existe pas, hélas, et la cohésion chambriste de l’oeuvre n’est pas donnée. Il faut faire avec ce que l’on a : l’oeuvre ne parle jamais mieux que quand les solistes parviennent, bon an mal an, à créer une rhétorique chambriste comme fondue dans un environnement orchestral qui la rend possible, que l’on préfère plus intime qu’héroïque, lui aussi. Blomstedt y veille constamment, et la marge de manœuvre pour sortir de la routine est ici réelle. Mais les solistes ne suivent pas. Si complicité affichée il y a (à un degré spectaculaire qui met une partie du public aux anges), les complices n’en produisent pas moins l’exercice habituel de succession de numéros de bravoure sans lien véritable. Kavakos, plus sobre et informel que dans ses grandioses explorations de l’opus 61, semble le plus enclin à adopter un ton intime. Ses duos avec Capuçon, dans les deux premiers mouvements surtout, sonnent souvent étranges, en particulier dans le son. Le violon recherche une forme de décontraction et de légèreté quand, comme d’habitude, ce violoncelle joue chaque note avec une tension sonore maximale, fatigante par son caractère cuivré, voire électrique. Rien de nouveau sous le soleil avec Capuçon, mais ici, il exagère vraiment. Ses phrasés atteignent une complication (ou une complaisance) qui, dans le premier énoncé du thème du rondo par exemple, confinent à l’inintelligible – ici, la présentation de facture simple et classique de Kavakos semblait être celle d’une toute autre mélodie. Ce violoncelle qui ne respire ni ne chante large a un défaut de décontraction, de bonhommie, de chaleur, de générosité alors même qu’il n’est qu’intensité. On peut le supporter dans le répertoire romantique mais il est ici proprement assommant, un peu comme si les traits d’esprit d’une pièce de Marivaux étaient dits comme un monologue de Beckett. Kirill Gerstein fournit une solide prestation d’ensemble, dans une troisième esthétique, qu’on imagine être la sienne pour un vrai concerto pour piano de Beethoven, très droite et mâle. Son jeu n’est pas dépourvu de quelques raideurs, et peut paraître uniforme : un piano un peu plus plein et rond donnerait mieux sens à cette facture virile. L’absence de caractère informel, ou improvisé, est sans doute dommageable dans cette oeuvre. L’adagio du trio avec clarinette donné en bis est plus convaincant que tout ce qui avait précédé.
La Grande est une partition porteuse de plus d’enjeux, et l’interprétation proposée élève sans conteste le niveau des débats – heureusement !
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