Philharmonie de Paris, Grande Salle Pierre Boulez, le 12 avril 2018
Ligeti, AtmosphèresWagner, Lohengrin, prélude de l’acte I
Schumann, Concerto pour violoncelle en la mineur, op. 129
Beethoven, Symphonie n°7 en la majeur, op. 92
Kian Soltani, violoncelle
Orchestre de Paris
Christoph von Dohnanyi, direction
Radio-France, Auditorium, le 17 mai 2018
Brahms, Concerto pour violon en ré majeur, op. 77
Schumann, Symphonie n°4 en ré mineur, op. 120
Ye-Eun Choi, violon
Orchestre National de France
Riccardo Muti, direction
Le rapprochement de ces deux concerts s’impose par leurs enjeux communs, ceux conséquents aux venues de monstres sacrés de la direction confrontant les deux phalanges parisiennes considérées à tort ou à raison “de répertoire” à des pierres de touche de la symphonie germanique. Deux cours magistraux délivrés sans pédanterie ni facilités, et se concentrant sur l’essentiel que peuvent apporter la stature et l’expérience : dans les deux cas, et quoi qu’à des degrés différents, le surcroît d’exigence technique, le son d’orchestre cultivé, la vision panoramique des œuvres. Tout en mettant de nouveau en évidence un fait préoccupant : les contextes de réalisation (salles, concerts simples ou doublés) sont décidément trop en défaveur des formations de Radio-France.
Les promesses des concerts réguliers du Maestrissimo avec le National sont toujours grandes, à proportion de l’attachement ancien et du dévouement sans failles démontré par les musiciens à son égard. On a en particulier le souvenir de la mémorable, et surtout émouvante Fantastique, donnée il y a presque dix ans déjà au TCE, et suivie de Lélio avec Gérard Depardieu - ce dernier, fidèle partenaire récitant, était d’ailleurs présent dans le nouvel auditorium. Hasard malheureux du calendrier, et télescopage typiquement parisien : l’autre figure de proue de la direction transalpine et ex-directeur du National, Daniele Gatti, remplissait à la même heure la Philharmonie avec le Concertgebouw. Gatti n’a sans doute pas connu les heures les plus accomplies de sa carrière à la tête de l’ONF, mais il a consolidé au fil des années une part essentielle de l’identité sonore de l’orchestre, qui ne correspond certes pas l’image d’Epinal de la tradition symphonie française. Le regroupement des deux formations de Radio-France en un même lieu a confirmé ce que le Châtelet laissait de temps à autres entrevoir : le National, toujours moins précis, moins discipliné que le Philhar, avec des sections de petite et grande harmonie moins stables et moins fiables, conserve l’attrait d’un quintette plus compact, équilibré plus bas, avec une sonorité sombre et des altos d’une intensité toujours spéciale. Il est frappant que les principales réussites du directorat de Gatti furent brahmsiennes, et surtout schumanienne (Rhénane) et wagnériennes (Parsifal, Tristan, extraits du Crépuscule). Muti, de son côté, n’avait pas depuis longtemps dirigé l’orchestre dans un programme romantique germanique, depuis longtemps au cœur de ses collaborations avec Vienne, Philadelphie, le Philharmonia et à présent Chicago. Pour cette occasion, un programme entièrement symphonique eût rendu la fête complète, et c’est en un sens ce à quoi nous étions conviés avec l’invitation de Julia Fischer à partager l’affiche, la violoniste allemande n’était jamais si impériale qu’en compagnie de partenaires de caractère.
Hélas, l’occasion était trop belle, et il n’aura pas été possible d’entendre deux fois son Brahms dans la même saison, avec Temirkanov et avec Muti. Forfait, elle est remplacée par la jeune coréenne Ye-Eun Choi, qui livre une prestation solide, cohérente et surtout généreuse de sonorité. On a entendu des débutantes à ce niveau plus déboussolée dans ce concerto, mais le degré de certitude affiché dans chaque phrasé, chaque dynamique de la jeune soliste a quelque chose de troublant dans son schématisme : lequel, au fond, empêche d’en retirer, et d’en dire grand-chose. Sinon que cette exécution, exhibant une musicalité méthodique et consciencieuse, est fâcheusement énoncée au premier degré, si bien que plus la phrase est galbée par le rubato (comme sur le caractéristique début du développement), moins elle paraît ressentie dans sa nécessitée, et plus elle semble stéréotypée. On sauve cependant volontiers un troisième mouvement économe d’effets, et au ton plus naturel. Muti, lui, joue essentiellement sur les qualités naturelles de l’orchestre, flattant les graves et leur ajoutant une nécessaire touche de motricité. La petite harmonie renouvelée du National livre une prestation honorable sans être bouleversante, la flûte se distinguant dans le mouvement lent par la franchise heureuse de ses phrasés sur les imitations. Dans l’ensemble, si la prestation est très honnête, le National ne laisse pas tout à fait deviner dans cette première partie la présence d’une direction spéciale. Lire la suite sur Wanderer
Ligeti, AtmosphèresWagner, Lohengrin, prélude de l’acte I
Schumann, Concerto pour violoncelle en la mineur, op. 129
Beethoven, Symphonie n°7 en la majeur, op. 92
Kian Soltani, violoncelle
Orchestre de Paris
Christoph von Dohnanyi, direction
Radio-France, Auditorium, le 17 mai 2018
Brahms, Concerto pour violon en ré majeur, op. 77
Schumann, Symphonie n°4 en ré mineur, op. 120
Ye-Eun Choi, violon
Orchestre National de France
Riccardo Muti, direction
Le rapprochement de ces deux concerts s’impose par leurs enjeux communs, ceux conséquents aux venues de monstres sacrés de la direction confrontant les deux phalanges parisiennes considérées à tort ou à raison “de répertoire” à des pierres de touche de la symphonie germanique. Deux cours magistraux délivrés sans pédanterie ni facilités, et se concentrant sur l’essentiel que peuvent apporter la stature et l’expérience : dans les deux cas, et quoi qu’à des degrés différents, le surcroît d’exigence technique, le son d’orchestre cultivé, la vision panoramique des œuvres. Tout en mettant de nouveau en évidence un fait préoccupant : les contextes de réalisation (salles, concerts simples ou doublés) sont décidément trop en défaveur des formations de Radio-France.
Les promesses des concerts réguliers du Maestrissimo avec le National sont toujours grandes, à proportion de l’attachement ancien et du dévouement sans failles démontré par les musiciens à son égard. On a en particulier le souvenir de la mémorable, et surtout émouvante Fantastique, donnée il y a presque dix ans déjà au TCE, et suivie de Lélio avec Gérard Depardieu - ce dernier, fidèle partenaire récitant, était d’ailleurs présent dans le nouvel auditorium. Hasard malheureux du calendrier, et télescopage typiquement parisien : l’autre figure de proue de la direction transalpine et ex-directeur du National, Daniele Gatti, remplissait à la même heure la Philharmonie avec le Concertgebouw. Gatti n’a sans doute pas connu les heures les plus accomplies de sa carrière à la tête de l’ONF, mais il a consolidé au fil des années une part essentielle de l’identité sonore de l’orchestre, qui ne correspond certes pas l’image d’Epinal de la tradition symphonie française. Le regroupement des deux formations de Radio-France en un même lieu a confirmé ce que le Châtelet laissait de temps à autres entrevoir : le National, toujours moins précis, moins discipliné que le Philhar, avec des sections de petite et grande harmonie moins stables et moins fiables, conserve l’attrait d’un quintette plus compact, équilibré plus bas, avec une sonorité sombre et des altos d’une intensité toujours spéciale. Il est frappant que les principales réussites du directorat de Gatti furent brahmsiennes, et surtout schumanienne (Rhénane) et wagnériennes (Parsifal, Tristan, extraits du Crépuscule). Muti, de son côté, n’avait pas depuis longtemps dirigé l’orchestre dans un programme romantique germanique, depuis longtemps au cœur de ses collaborations avec Vienne, Philadelphie, le Philharmonia et à présent Chicago. Pour cette occasion, un programme entièrement symphonique eût rendu la fête complète, et c’est en un sens ce à quoi nous étions conviés avec l’invitation de Julia Fischer à partager l’affiche, la violoniste allemande n’était jamais si impériale qu’en compagnie de partenaires de caractère.
Hélas, l’occasion était trop belle, et il n’aura pas été possible d’entendre deux fois son Brahms dans la même saison, avec Temirkanov et avec Muti. Forfait, elle est remplacée par la jeune coréenne Ye-Eun Choi, qui livre une prestation solide, cohérente et surtout généreuse de sonorité. On a entendu des débutantes à ce niveau plus déboussolée dans ce concerto, mais le degré de certitude affiché dans chaque phrasé, chaque dynamique de la jeune soliste a quelque chose de troublant dans son schématisme : lequel, au fond, empêche d’en retirer, et d’en dire grand-chose. Sinon que cette exécution, exhibant une musicalité méthodique et consciencieuse, est fâcheusement énoncée au premier degré, si bien que plus la phrase est galbée par le rubato (comme sur le caractéristique début du développement), moins elle paraît ressentie dans sa nécessitée, et plus elle semble stéréotypée. On sauve cependant volontiers un troisième mouvement économe d’effets, et au ton plus naturel. Muti, lui, joue essentiellement sur les qualités naturelles de l’orchestre, flattant les graves et leur ajoutant une nécessaire touche de motricité. La petite harmonie renouvelée du National livre une prestation honorable sans être bouleversante, la flûte se distinguant dans le mouvement lent par la franchise heureuse de ses phrasés sur les imitations. Dans l’ensemble, si la prestation est très honnête, le National ne laisse pas tout à fait deviner dans cette première partie la présence d’une direction spéciale. Lire la suite sur Wanderer