S. Mälkki dirige le Philharmonique d'Helsinki, Seine Musicale 27/5/18

Mahler, Symphonie n°9 en ré majeur
Orchestre Philharmonique d’Helsinki
Susanna Mälkki, direction
 
Boulogne-Billancourt, Auditorium de la Seine Musicale, le 27 mai 2018
Le passage d’une étiquette de musicien contemporanéiste à une réputation généralisée n’est jamais aisé, et donne le plus souvent lieu à un regard biaisé. Parmi les nombreux enjeux d’un concert cumulant les originalités, celui du face à face entre Susanna Mälkki et une partition-monument de la première modernité était le plus décisif, aussi bien pour l’appréciation de l’évolution d’un chef appelé à devenir un poids lourd de la scène mondiale, que pour cette symphonie à la réception toujours mouvante et problématique.
Noyé dans l’incompréhensible programmation de la Seine Musicale, intégré dans la non moins illisible saison d’Insula Orchestra (si quelqu’un a la moindre idée de la nature de ces institutions en ouvrant leur site internet, qu’on lui donne un Prix Nobel), ce concert n’en constituait pas moins un événement majeur de la saison symphonique. Outre le fait qu’il constituait un (crash-)test acoustique pour la salle elle-même, il offrait une rare occasion d’entendre l’ex-directrice de l’Ensemble Intercontemporain depuis son départ en 2013. Il permettait d’entendre en direct le Philharmonique d’Helsinki, lequel n’était pas venu à Paris depuis juste vingt ans (avec Leif Sergerstam, l’un des maîtres de Mälkki). Et qui plus est dans cette pierre angulaire du répertoire, sur laquelle tout ou presque a déjà été dit, et qui est à la postérité moderne ce que la 9e de Beethoven fut à la postérité romantique. En ce sens, sa réception pose le problème du sens d’une histoire de la musique structurée autour d’un moment moderne qui, en quelque sorte, n’en finit pas de finir. Sa fin a commencé avec le Schoenberg est mort de Boulez, mais ne s’est pas achevée avec la mort et la canonisation définitive de Boulez. En même temps que Boulez achevait le travail d’institutionnalisation de Mahler, la crise d’identité de la musique savante occidentale s’est étalée au grand jour, entre variétés de postmodernismes tantôt anti-, tantôt hyper-modernes, crise qui perdure et dont les effets contradictoires affectent le rapport à la musique de Mahler plus qu’à toute autre.
La thèse schlegélienne – transposée à la musique par Rosen – des grands textes ayant leur destinée canonique inscrite en eux-même est spécialement intéressante appliquée à la 9e. L’oeuvre est tout entière théâtre d’un conflit entre deux pulsions, relevant de deux pathos opposés. L’une que la description fameuse de Berg a rendu limpide, relève du pathos de la modernité, soit de l’objectivation et du réfléchissement des formes et procès. L’autre qui est la violence d’expression autobiographique de Mahler, et la façon particulière dont elle met à distance, sur un mode volontiers sarcastique, ses propres procédés d’écriture. Les deux aspects se trouvent dans la partition, et la définissent. Par conséquent, les deux continuent de s’affronter dans sa réception et son interprétation.
Lire la suite sur Wanderer