Liederabend, Marlis Petersen & Stephan Matthias Lademann, Pierre-Boulez-Saal 29/6/18

Himmel und Erde
ROBERT SCHUMANN Himmel und Erde op. 96/5 (Lieder und Gesänge) ;FRANZ SCHUBERT Cora an die Sonne D 263 ; FRANZ SCHUBERT An die untergehende Sonne D 457 ; HANS SOMMER Herbstabend op.35/1 (Drei Lieder)  ; FRANZ SCHUBERT Lied / Die Mutter Erde D 788 «Des Lebens Tag ist schwer» ; FRANZ SCHUBERT Naturgenuss D 188 ;
Mensch und Natur
WOLFGANG AMADEUS MOZART Sehnsucht nach dem Frühling K 596 «Komm, lieber Mai» ; ROBERT SCHUMANN Die Hütte op.119/1 ; FRANZ SCHUBERT Die Berge D 634 ; JOHANNES BRAHMS Juchhe op.6/4 (6 Gesänge) ; ROBERT SCHUMANN Des Sennen Abschied op. 79/22 ; JOHANNES BRAHMS Dämmrung senkte sich von oben op. 59/1 ;
Los und Erkenntnis
HANS SOMMER Gesang des Lebens op.35/3 (Drei Lieder) ; JOHANNES BRAHMS Der Strom, der neben mir verrauschte op. 32/4 ; Serenade op. 70/3 «Liebliches Kind» ; SIGURD VON KOCH Das Los des Menschen (Die wilden Schwäne); ROBERT SCHUMANN Sehnsucht op. 51/1 (Lieder und Gesänge) «Ich blick in mein Herz» ; RICHARD WAGNER Stehe still! (Wesendonck-Lieder Nr. 2)
Hoffnung und Sehnsucht
FRANZ SCHUBERT Am See D 746 ; CLARA SCHUMANN Mein Stern ; JOHANNES BRAHMS Feldeinsamkeit op. 86/2 ; LUDWIG VAN BEETHOVEN Abendlied unterm gestirnten Himmel WoO 150 ; ROBERT SCHUMANN Mondnacht op. 39/5
Conclusio HANS SOMMER Erinnerung
Marlis Petersen, soprano ; Stephan Matthias Lademann, piano

  Pierre-Boulez Saal, Berlin, le 29 juin 2018

Le programme très personnel récemment enregistré par Marlis Petersen et Stephan Matthias Lademann n’a pas pour seul mérite l’originalité, et l’entendre en direct permettait d’en goûter la vertu diachronique, par-delà les regroupements thématiques. En plus de donner le plaisir de raretés qui méritent leur exhumation (C. Schumann, S. von Koch, et surtout H. Sommer), ce voyage singulier, malgré sa relative uniformité de caractère, donne de la profondeur de champ sur l’art du Lied. A de menues réserves près, ses deux serviteurs défendent de belle façon ce projet.

 

Marlis Petersen est si touche-à-tout, dans son répertoire qui s’étend du baroque à la création, de l’opéra au crossover en passant par le Lied, qu’on peine parfois à suivre ou à saisir son identité musicale, pour le moins fluide. Le besoin de concevoir les programmes de concerts et surtout de disques selon une identité qui ressortit d’abord à la personnalité de l’artiste (plutôt qu’à la relation interprétative, d’ordre plus artisanale, entre le musicien et le texte) est un fait pesant de l’époque contre lequel on ne peut rien, ou peu. L’oeuvre d’art à l’ère de sa reproductibilité technique a accouché, comme prévu, de cet objet fétiche étrange, l’album, parasitant, complexifiant les rencontres entre les oeuvres et les oreilles. Le constater comme mouvement inexorable de la culture industrielle implique, du même coup, de ne plus juger les interprètes classiques à l’aune de cette pratique, qui leur est souvent imposée, dont on peut certes penser qu’elle leur ouvre des champs nouveaux, voire qu’elle peut être un facteur désinhibant, créatif au meilleur sens du terme. Et que peut-on répondre à celui qu’il est impossible d’enregistrer, et à plus forte raison d’espérer trouver un public pour des Lieder de Hans Sommer et certains des plus rares de Schubert et Schumann, sans un concept unificateur de l’objet commercialisé, si possible composant un récit, ou un appel attirant à la réflexion philosophico-littéraire ? C’est donc ce que fait Dimensionen Welt, avec ses quatre parties (reprises ci-dessus dans la présentation du programme).

Sur le plan strictement musical, et encore plus au concert, le résultat ne manque certainement pas d’intérêt, en ce qu’il permet d’atteindre deux objectifs qui auraient sinon paru à beaucoup rébarbatifs : d’une part, faire entendre des pages rares, et d’autre part, donner un aperçu inattendu (par la quasi-absence, aussi, de “grands” lieder) de l’homogénéité du genre au travers les âges. Dans ce pot-pourri, la seule incursion immédiatement perceptible dans un imaginaire différent, moins pour une question de langage que de style à proprement parler, est le Los des Menschen du Suédois Sigurd von Koch, dont la distance à l’égard du texte, si elle trahit sans doute aussi l’influence de Wolf, montre l’éloignement vis-à-vis d’un univers germanique où le verbe et la musique entretenaient un commerce comme autosuffisant. D’autant plus que, à l’instar du Chant de la Terre,  la distanciation est ici au moins triple, musicale, linguistique et culturelle, le texte original étant traduit en suédois depuis l’adaptation allemande (par Hans Bethge) d’un texte attribué à Confucius. Le lied, chanté en allemand ici, n’en est pas moins fascinant, à l’image du petit cycle dont il est issu (Les Cygnes sauvages), à l’écriture relativement fruste, mais dont l’accent et l’expression paraissent d’une grande force.

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