- Paris, Salle Pleyel, le 13 octobre 2010
- Dukas, L'Apprenti Sorcier - Chostakovitch, Concerto pour Violon n°1 en la mineur, op. 99 - Rachmaninov, Symphonie n°2 en mi mineur, op. 27
- Vadim Repin, violon
- Orchestre de Paris
- Paavo Järvi, direction
Le miracle ne s'est pas reproduit. Järvi a certes accroché Dukas comme un grigris à ses entames de concert (après La Péri, et cela fonctionne toujours aussi bien, à sa manière : brillante, démonstrative, pas au sens trivial mais de la démonstration d'un métier - "voyez comme cela sonne avec goût" -, avec la saveur agréable et un peu inutile d'une mise en bouche dînatoire. On revient cette fois, avec la belle et grande aventure kullervesque, à un programme académique ouverture-concerto-symphonie, dont la cohérence esthétique semble pour le moins précaire, mais ce n'est pas bien grave.
J'ai un problème avec Vadim Repin. Un problème sérieux. De toute évidence, il me manque, sinon une case auditive adaptée à son jeu (je ne pense pas, à vrai dire...), du moins une capacité à m'imaginer le Repin d'il y a dix ans ou plus, qu'hélas je n'ai jamais entendu. Mais à l'évidence, ceux qui ont cette capacité entendent la même chose que moi... tout en mieux. Et certains admettent qu'il y a sûrement de la compensation dans leur écoute. Reste que c'est la troisième fois en trois saisons que je vais écouter Repin (après son récital avec Golan et son Brahms avec Masur, les deux fois au TCE), et que je le trouve toujours aussi ennuyeux. Heureusement, il était cette fois là au moins très propre, ce qui était loin d'être le cas dans Brahms. Et à part cela... à vrai dire, j'y ai cru durant ses deux ou trois premières minutes du premier mouvement : pour la simplicité d'énonciation, l'économie de moyens et la stabilité indéniable du timbre, léger et élégant. Je crois qu'une intensité minérale va prendre forme... mais non, il manque quelque chose, il manque du feu sous cette glace qui rapidement ne me paraît plus que jolie.
Les choses s'aggravent dans le scherzo, dont la relative lenteur aurait pu être acceptable avec un orchestre plus solide, mais qui semble ici toujours à la traîne d'un soliste impatient : les caractérisations tombent à plat, notamment aux bois, apathiques. Repin joue avec une indifférence confondante le DSCH. Le rebond rythmique est inexistant. Gros coup de blues, et d'envie de dormir. Le schéma espoir-déception-ennui se reproduit dans la passacaille à l'identique du premier mouvement, la plus grande frustration provenant de la cadence, où la qualité de son ne suffit même plus à garantir la continuité minimale (faute d'orchestre à la hauteur) qui avait précédé : cette cadence m'a paru simplement s'arrêter et redémarrer quatre ou cinq fois. Après cela, je dois être honnête, j'ai cessé d'écouter et attendu que cela se passe. Quand je pense aux frissons, il y a deux ans, dans la même salle et presque à la même place, provoqués par Znaider et Dudamel (mais oui...) dans ce concerto, et en particulier dans la passacaille... Retrouvera-t-on un jour le vrai Repin ? Rien n'est impossible, quoique le violon ne soit pas le piano et qu'on ne peut y rebondir à tout âge. Mais compte-tenu de toutes les concessions qu'Universal lui a déjà fait accepter, j'ai quelques doutes : la dernière en date (cette chose qu'on ne peut décemment appeler un Trio de Tchaikovsky, avec Maisky et Lang Lang) franchissait la ligne blanche de l'indécence, et cela n'a pas eu l'air de l'ennuyer tant que cela - il y a même des concerts prévus !
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