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- Mozart, Concerto pour violon n°2 en ré majeur, KV 211 - Brahms, Ouverture tragique, op. 81 - Mendelssohn, Symphonie n°3 en la mineur, op. 56
- Orchestre Philharmonique de Radio-France
- Nikolaj Znaider, violon et direction
C'est une demi-déception qu'a provoqué cette seconde collaboration cette saison de Nikolaj Znaider avec le Philhar - après une honnête matinée chambriste. Paris découvrait, sauf erreur, la baguette du violoniste danois à l'occasion de ce concert durant lequel l'OPRF n'a jamais failli dans le niveau d'application et de professionnalisme qui le distingue tellement de ses concurrents français. On a coutume de penser que les orchestres tolèrent, voire font autant que possible don d'eux-mêmes plus facilement à un chef venu du violon que du piano - un certain nombre d'exemples semblent en attester. La générosité des musiciens du Philhar', jusque dans la claque pédestre accordée à Znaider après la symphonie, allait dans le sens de cette règle supposée.
Malheureusement, une prestation orchestrale de très bonne tenue tout au long de la soirée, un archet comme toujours impeccable dans le concerto et une direction d'un bout à l'autre sans chichis ni absurdités histrionnes ne font pas un grand concert, et peut-être même pas un bon. Ce qui a manqué à ce concert là a paru poser des problèmes différents tout au long de la soirée, mais qui pouvaient sans doute se fondre un seul, le plus simple et basique qui soit : celui de la tension, de sa recherche, de sa construction, et finalement de sa cruelle absence. Rien que de très classique, mais il est intéressant de constater qu'il peut hélas rester irrésolu alors même que l'on ne voit rien de fondamental qui enlèverait la possibilité de la tension musicale.
Le caractère inoffensif du concerto en ré de Mozart pourrait certes ne pas être retenu contre Znaider, compte-tenu de la substance dramatique a priori faible de l’œuvre. C'est à voir : l'expérience discographique et concertographique montre que de tout concerto pour violon de Mozart l'on peut tirer, sans pour autant violer sauvagement la partition, des enjeux discursifs autrement plus tendus que ceux proposés par Znaider (songeons aujourd'hui à Kavakos dirigeant lui aussi de l'archet, à Mullova sans doute, et évidemment à Oistrakh... immense chef symphonique par ailleurs). On peut supposer que son choix en faveur d'une alternance systématique battue/jeu soliste (souvent contraire à la partition, du reste) n'est pas le meilleur, surtout dans un Mozart qui n'entretient pas le rapport dialectique entre violon et orchestre du concerto en la, et a fortiori pas celui des concertos romantiques. Quelque chose parait rapidement malaisé dans la façon dont le virtuose danois passe sans nécessité tangible du violon à une battue tout à fait professionnelle mais échouant à faire autre chose que se greffer sur une respiration orchestrale déjà existante, sans lui apporter aucun supplément d'âme ou de caractérisation.
De la caractérisation, il n'est pourtant pas nécessaire d'en ajouter, le quintette se montrant bien assez discipliné, quoiqu'un peu anonyme dans ce répertoire dont il n'est pas familier, et surtout l'harmonie ici minimale de Mozart (deux hautbois et deux cors) étant admirablement servie. Le sens de l'équilibre dynamique des hautboïstes, toujours clairs et bien audibles, et des cors, toujours fondus, constitue finalement la principale source de plaisir, purement plastique donc, de ce concerto perpétuellement indécis face au choix d'entre une symphonie avec konzertmeister obligé et d'un dialogue assumé comme tel.
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Un peu contre l'attente, l'Ouverture tragique apparaît plus satisfaisante, et même parfois gratifiante. Peut-être faut-il, rétrospectivement, en chercher la cause dans son curieux positionnement à la suite du concerto. Ce dernier se trouvait ainsi renforcé, y compris, pourrait-on penser, dans l'imaginaire des protagonistes, dans le rôle d'aimable apéritif, le Brahms apparaissant de façon appuyé comme l'aboutissement dramatique de la première partie. On chipote peut-être, mais dix minutes de changement de plateau pour un quart d'heure de musique, voilà qui a sans doute ses inconvénients comme ses avantages.
Sans transcender un orchestre qui avait déjà montré cette saison de bonnes dispositions brahmsiennes sous la direction de Manfred Honeck (équilibre naturel des plans, amplitude sans lourdeur du tapis de cordes), Znaider étrenne le podium de Pleyel sans trembler, menant sa barque avec une certaine assurance rythmique. La bonne surprise consiste en le voir réussir assez bien certaines transitions parmi les plus belles et difficiles de Brahms, comme celle ci-dessus menant au thème majeur - bien aidé, à nouveau, par un bien beau cor. Thème majeur bien amené et bien mené ensuite, sans ralentir, avec une belle présence polyphonique évitant tout sentimentalisme. Si l'on y ajoute un surplus d'engagement, un second souffle heureusement trouvé par des cordes plus que motivées dans les dernières pages - le dernier climax m. 280-295, et une assez belle conclusion -, on tient quantité de bons ingrédients pour une Tragique puissante, fantastique, con spirito.
Oui, mais il manque au fond beaucoup de l'essentiel, pour ce qui est de la direction. On passera sur Molto piu moderato escamoté comme il l'est dans la plupart des autres interprétations, ne prenant pas le risque de partir assez vite pour se permettre le changement de tempo et de climat radical désirable. Au-delà de ce détail qui n'en est pas un, Znaider échoue tout simplement à créer autre chose qu'une continuité technique, ne parvient pas à faire entendre autre chose qu'une succession de tensions et de détentes bien organisée. Il ne trouve pas le moyen, manifestement attentif qu'il est à ne pas user de gestes superflus, de faire vivre la battue autrement que dans le strict cadre de la mesure. Il échoue à faire peur, en somme. On pouvait cependant, au vu du visage prometteur affiché par le Philhar, croire que les bases saines de sa direction donnerait une Écossaise aussi ou plus satisfaisante.
Malheureusement, cela n'aura guère été le cas, sinon par intermittences redevables à la qualité de finition du travail orchestral - dont on ne sait vraiment s'il est l’œuvre de cette baguette novice ou de l'excellence des automatismes de l'orchestre. Bien sûr, le contexte n'est pas favorable à Znaider ici, lui qui quittait en novembre dernier la scène de Pleyel sur un concerto de Brahms un peu surinvesti, qui avait quelque peu tempéré l'enthousiasme nait juste avant de la même Écossaise, somptueuse, donnée par Colin Davis et le LSO. Adoubé par Sir Colin, Znaider a sans doute soigneusement préparé son Mendelssohn, peut-être en recourant aux conseil du maître londonien. Mais ce qui en résulte se limite à nouveau à un beau travail de mise en place (parfois perfectible faute de choix clair quant à la caractérisation de tel ou tel rythme pointé), exemplaire quant à la gestion des plans, d'une extrême sobriété dans le choix des tempos et la réalisation des transitions. Il n'y a rien de franchement rédhibitoire ici, de l'ordre de ce qui fait le cauchemar de vedettes de la baguette pour qui forme sonate et transition sont précisément de méchants ennemis. Mais l'on se demande assez vite : à quoi bon ? A quoi bon ce métier scolairement assuré ?
Znaider ne dispose pas ici du son exceptionnel de son violon, de sa puissance peu commune pour compenser ce qui semble être un entre-deux entre l'absence de vision et la vision trop sage. Le mouvement lent est symptomatique : la tension ne s'y construit jamais mais n'apparaît qu'au sommet des grandes marches, comme par accident, les progressions les amenant souffrant par ailleurs d'une absence manifeste d'indication claire quant au traitement de la formule rythmique - ce sera le principal moment de flottement orchestral du concert, mais il en dit sans doute long, au même titre que le manque de tranchant, de rebond de la conclusion du scherzo. Dans l'adagio, donc, on commence à s'ennuyer, même en vénérant la musique, et peu à peu l'attention se dissout... jusqu'à la réexposition où Znaider, pour la première fois, montre quelque chose ressemblant à une appropriation de la partition : une belle mise en valeur de contrechant, un peu trop téléphonée dans sa tenue, qui en dit long elle aussi. Pouvait-on attendre finalement autre chose que des idées à proportion de dix ou vingt mesures ? Malheureusement, non.
Znaider a certes le temps pour trouver, comme on dit, sa personnalité. Mais est-ce bien là le problème ? Cette façon de diriger, immunisée contre tout conflit quant aux choix interprétatifs, à la conception de la musique qu'ils traduisent, n'est-elle pas en train de s'imposer comme une norme dominante dans ce répertoire ? En sus d'une indénable exigence technique satisfaisant aux standards modernes, cela est stylistiquement d'une justesse de chaque instant ; dégage toujours un sentiment d'honnêteté. Et pourtant sonne un peu faux, un peu malhonnête.
Théo Bélaud
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