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- Paris, Eglise Saint Roch, chapelle du calvaire, le vendredi 18 mars 2011
- Berg, Suite Lyrique - Beethoven, Quatuor n°13 en si bémol majeur, op. 130, avec Grande Fugue en si bémol majeur, op. 133 comme sixième mouvement.
- Quatuor Diotima : Yun Peng Zhao, 1er violon, Naaman Sluchin, 2nd violon, Franck Chevalier, alto, Pierre Morlet, violoncelle
Beethoven-Berg I
Beethoven-Berg II
Beethoven Berg III
Les Diotima ne sont plus des espoirs du quatuor français, et d'un certain point de vue sont déjà un grand quatuor - je tiens compte de la remarque (hélas, devrais-je dire) imparable d'un commentateur de ma précédente chronique à leur endroit : en substance, quand un quatuor excelle dans Beethoven, c'est un grand quatuor, quand il brille dans Dillon ou Hosokawa, ou même Nono, c'est un quatuor spécialisé. C'est vrai et malheureux. Mais cela n'empêche que l'on puisse avoir envie d'entendre, de façon générale, ce dont sont capables dans le répertoire de tradition de tels interprètes. Et même que l'on trouve pour partie légitime de juger de la dimension de ces interprètes selon leur faculté d'exceller dans des répertoire éloignés.
De ce point de vue, ce Beethoven des Diotima apparaît comme un rendez-vous manqué avec ce qui aurait pu être un changement de dimension majeur. Rien de déshonorant là-dedans, d'autant qu'il est permis de mettre cette petite déception sur le compte d'un mauvais soir. Car par rapport à l'exemplaire exécution de l'automne dernier, leur Suite Lyrique n'a pas non plus tout fait semblé à son meilleur. Du moins a-t-elle mis un certain temps à décoller : au moins deux mouvements, propres et équilibrés mais apparemment englués dans une prudence et une absence de choix de caractérisation frustrantes. Ce n'est pas seulement que cela paraît manquer d'engagement, mais surtout qu'ici les conséquences sur la lisibilité du matériau sont directes, et dommageables. Les choses s'améliorent nettement ensuite, les III et V notamment renouant avec la belle unité et l'impressionnante assurance technique affichée aux Bouffes du Nord, et les qualités générales affichées en novembre n'ont pas varié. La réserve sur le largo reste valable : un climat s'instaure, la tension se construit, et ce qui semble être voulu comme une dissolution une fois passé le climax ne fonctionne pas vraiment et semble fonctionner a contrario d'une résolution dramatique, comme une suspension du discours : c'est intéressant mais je n'arrive pas trouver cette conclusion non conclusive... concluante !
Fallait-il, aussi, vraiment choisir l'opus 130 ? A mon sens, il s'agit du plus difficile des seize quatuors, en ce simple sens qu'il m'apparaît comme le plus souvent raté au disque comme au concert. Et ce, sans même que l'on n'évoque la gageure que représente l'unification des mouvements centraux aux mouvements extrêmes (avec ou sans grande fugue). Rien que le premier mouvement a une fâcheuse tendance à disqualifier à peu près tout le monde, et les Diotima n'y réussissent pas de miracle. Ils tentent, de façon manifestement saine et intelligente, d'affronter la difficulté de front, sans se compliquer la vie, ce qui est déjà louable. En l'espèce, le résultat s'apparente à un séquençage forcément scolaire, très bien réalisé, mais échouant fatalement à créer une tension autre que... séquentielle (malgré des passages bien sentis, comme la page suivant la barred de reprise). Et ce, malgré les qualités instrumentales (les allegros ont du chien et du coffre, rien à dire),à quelques accrocs près, mais tournant à vide.
La suite est à la fois plus osée et plus problématique. Le II brille par sa concentration collective mais, c'est le moins que l'on puisse dire, pas par son charme - même si je répugne personnellement à user de l'appareil de représentations autour de "Vienne", sur les mouvements intermédiaire de cet opus 130 je ne peux donner tort à Carlos Tinoco quand il dit que l'on n'y pose pas un orteil, à Vienne. Le III est plus intéressant, notamment par la subtilité du violoncelle de Pierre Morlet, généralement plus à son aise dans le clair-obscur, les accents et dynamiques ambigus que pour s'imposer comme une voix : ici, cela fonctionne assez bien. L'alla tedesca est en revanche franchement raté, et pour tout dire très désagréable. Je sais bien qu'il y a partout des soufflets indiqués, mais ce n'est pas une raison pour les lire avec une loupe collée à la partition - voire un super-microscope. Les accents sont énormes, la continuité de respiration hachée menue. Ce n'est pas que le charme qui manque là, mais toute la ligne qui en devient inexistante.
Un très mauvais moment que la fugue compense pour bonne partie, malgré une construction qui a pu sembler parfois hasardeuse - mais l'on n'est pas obligé, après tout, de valoriser les éléments de sonate ici. L'approche relève plus d'une logique de variation ici, traitée de façon passablement volontariste : signe d'impuissance ? Peut-être, sans doute même. Mais contrairement aux mouvements intermédiaire ou le manque d'immédiateté classieuse était rédhibitoire, le corps-à-corps est ici plus touchant - je l'écris dans un sens qui n'a rien de condescendant. Bref, on parvient au premier moderato sans trop savoir comment on y est arrivé, mais ce n'est pas si grave, car selon cette logique comme involontairement organique il est quand même possible de ressentir de la nécessité - c'est d'autant plus vrai dans le cheminement vers le second moderato, ce dernier était assez convaincant, car donnant le sentiment que la dynamique précédente l'empêche d'être surjoué comme une bonne partie de ce qui précédait. Moins tenue et techniquement plus limitée, la dernière page vient en revanche rappeler que ce Beethoven là est de toute façon encore largement en rodage, et qu'il faudra revenir écouter ce que les Diotima ont à proposer dans ce répertoire, après maturation.
Je n'ai pas d'idée précise de ce que pourrait donner cette maturation. Mais cependant l'intuition, en regard de l'apparent plafonnement de l'imaginaire expressif de ce quatuor dans le cadre tonal, mais aussi de la partie la plus remarquable de leur concert aux Bouffes (Zemlinsky), que c'est plutôt dans Brahms que Beethoven ou Schubert j'aimerais les voir tenter leur chance.
Je n'ai pas d'idée précise de ce que pourrait donner cette maturation. Mais cependant l'intuition, en regard de l'apparent plafonnement de l'imaginaire expressif de ce quatuor dans le cadre tonal, mais aussi de la partie la plus remarquable de leur concert aux Bouffes (Zemlinsky), que c'est plutôt dans Brahms que Beethoven ou Schubert j'aimerais les voir tenter leur chance.
Théo Bélaud
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